lundi 15 avril 2013

Eric Hazan et la LQR

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Un système, donc un schéma de domination pour notre exemple, se maintient par une acceptation plus ou moins forte de la majorité. C'est parce que le plus grand nombre plébiscite ou accepte dans le silence, qu'un système, même mauvais, ne s'écroule pas. 
Pour qu'un système se maintienne en place, l'élite qui en tire le plus parti (élite politique, économique, culturelle...) prendra soin de manipuler la masse (nécessaire comme on vient de le voir, le soulèvement de la masse c'est le renversement de l'élite) entres autres en usant d'un vocabulaire précis.
 Eric Hazan
Georges Orwell parlait de "novlangue" dans 1984, Victor Klemperer parlait pour la stratégie linguistique du IIIème Reich de Lingua Tertii Imperii. Eric Hazan suit l'exemple de Klemperer et qualifie la nouvelle langue au service d'un système (système néo-libérale à la française pour la faire courte) sous l’appellation LQR (Lingua Quintae Reipublicae).
Les mots sont là pour évoquer des réalités. En choisissant précisément les mots à employer, on ne modifie pas dans le réel la situation, on la travestit aux yeux et aux oreilles des auditeurs. Par exemple, on parlera en linguistique des "mots occultant" pour désigner ces expressions qui traduisent avec euphémisme des réalités souvent cruelles. On ne dira pas "un aveugle" mais un "non-voyant". Au final, la personne ne voit pas plus mais l'interlocuteur se sent probablement plus en paix avec lui-même, il n'a pas rajouté de la violence à la souffrance originelle (tartufferie absolue).
Dans l'extrait ci-dessous, Eric Hazan se focalise sur le vocabulaire lié à la question économique (la croissance), qui est forcément liée à la politique. En quelques phrases, Hazan décortique toute la "vulgate néolibérale". Qu'on se le dise, les mots ne changent pas la réalité, ils la font voir d'une certaine manière. D'où la nécessité de ne pas se fier trop aux beaux discours d'une élite médiatique. Au-delà des mots, il y a des hommes, des carrières et des idéologies défendues, des réseaux aussi. A nous de relier ces mots à ces réalités plus souterraines pour comprendre les raisons d'un tel usage. Les mots ne sont qu'une vitrine.
"Comme il n’est pas possible de convenir ouvertement du caractère imprévisible de la croissance, la LQR utilise des métaphores tantôt météorologiques (« coup de froid »), tantôt aéronautiques (« le trou d’air »). La croissance tient une grande place dans la LQR pour deux raisons. La première est le caractère magique des données chiffrées, qui confère aux énoncés les plus invraisemblables ou les plus odieux une respectabilité quasi scientifique.
La seconde raison qui fait l’intérêt « politique » de la croissance est son caractère mystérieusement incontrôlable. Elle est la principale des contraintes extérieures sur lesquelles on ne peut rien sauf en déplorer les effets rétrécissant sur la marge de manœuvre.
L’ascension de la croissance à un statut de masque magique témoigne de la décadence de la pensée et du vocabulaire économiques depuis 30 ans. Mener des réformes pour sortir de la crise, si non pas Dieu, mais la croissance le permet, telle est la conduite prônée par les experts, approuvée, par les financiers et mise en pratique par les politiciens. C’est pour donner à ce faux-semblant un vernis de respectabilité que l’on a crée de Hauts Commissariats, de Hauts Conseils, de Hautes Autorités…
Les euphémismes de la langue vectrice de l’idéologie néolibérale en France ressemblent aux discours tenus en Union soviétique dans sa phase terminale. Parmi les mots-masques, les composés en post- constituent un sous-groupe important : le préfixe post donne à peu de frais l’illusion du mouvement là où il n’y en a pas. Post-colonialisme, par ex, expose au danger d’oublier ou de faire oublier que le pillage continue après les changements d’étiquettes dans les pays en développement.
Selon la vulgate néolibérale, nous vivons dans une société post-industrielle. Faire disparaître l’industrie a bien des avantages : en renvoyant l’usine et les ouvriers dans le passé, on range du même coup les classes et leurs luttes dans le placard aux archaïsmes. Qualifier d’offensive, une réoccupation motorisée du nord de la bande de Gaza ou des raids américains sur les villes irakiennes. C’est occulter que ces actions menées avec des chars et des avions visent essentiellement des populations civiles."

LQR, d'Eric Hazan, éditions Raisons d'agir
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