mardi 28 août 2012

Frederik Exley et la mort du père

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Frederik Exley fait parti de ces écrivains étranges qui marquent par une production littéraire mince mais percutante. Point de grandes entreprises, point fourgaisons annuelles, Exley est l'homme d'un seul livre : Le Dernier stade de la soif.


Frederik Exley

A l'instar de Charles Bukowski, Exley est un écrivain nord-américain, alcoolique, qui vit pleinement la vie douloureuse des délaissés de l'American Dream. Le lire, c'est toucher au plus près la réalité de ces nécessiteux, besogneux de l'ombre, qui souffrent et qu'aucun écrivain (à moins d'en être) ne peut connaître. A Fan's Notes, titre original, montre au lecteur un parcours sinueux d'homme dérivant, passant du grotesque au sublime, du drolatique à l'émouvant. Une palette d'émotions servie par une très belle traduction française. On découvre tardivement Exley, un talent d'un bloc, brut.

L'extrait ci-dessous permet de découvrir une facette d'Exley. Un écrivain de la tendresse, de l'émotion qui ne cherche pas à tirer des larmes, à se vautrer dans un pathos grossier et un peu gênant. Exley raconte, simplement, sobrement, la mort du père, son père.

Face à la mort, mon père fut bien différent. Il n’était, bien évidemment, plus du tout dur. Le cancer des poumons avait superbement fait son boulot, et si mon père avait jadis semblé parfaitement incarner le prolétaire, dans la mort, il aurait pu passer pour un aristocrate, ou un grand poète mort à l’aube de sa carrière. D’un calme apparent, il semblait avoir été rongé par une vision, tel un prophète spectral, devenu muet par excès de savoir. Mais j’étais incapable de faire face à de telles images. Il pesait une trentaine de kilos, et dans l’une de ces impardonnables plaisanteries dont les membres de sa profession aiment faire de nos cadavres les objets, le croque-mort avait ôté son rictus figé et mélancolique. L’effet d’ensemble – son corps ravagé, le fond de teint ocre, le rouge à lèvres et l’odeur lourde et capiteuse des roses funéraires – compromettait sérieusement sa virilité. Rien ne suggérait les mois d’agonie et d’interminables angoisses, angoisses qui, lors des derniers stades de la maladie, avaient atteint une telle immensité qu’un jeune médecin, dans un sursaut d’impuissance, avait dû asséner une gifle à mon père. Je comprends son geste. Mon père était arrivé au point où les doses massives de morphine ne le réconfortaient plus, et je suppose que ce débutant, terrifié par son incapacité à répondre aux supplications de mon père, en quête d’un soulagement impossible, avait levé la main non pas sur lui mais sur sa propre ignorance. Il me fallut cependant un bon bout de temps avant de le comprendre et de le lui pardonner. Pendant des années, j’avais caressé le fantasme de retrouver ce chirurgien, de le mettre à terre et de lui enfoncer d’un coup de pied les dents jusqu’au fond du crâne.

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